Bénédicte Lusseau, infirmière au Checkpoint Vaud: « Un job divers et varié »
Média | Journal La Source |
Date | 15.12.2023 |
Diplômée en soins infirmiers par l’État français en 1999, Bénédicte Lusseau est riche d’une expérience professionnelle qui l’a d’abord conduite à travailler dès le début de sa carrière en tant qu’intérimaire en France. Puis, grâce à une collègue française travaillant en Suisse, elle décide de venir travailler à Lausanne à l’Hôpital Orthopédique. Elle a très vite mixé son travail « somatique » et son soutien aux milieux associatifs LGBTIQ+. Après un fort questionnement intérieur, Bénédicte a finalement décidé de travailler pour le Checkpoint Vaud (prestation de la Fondation PROFA), à Lausanne. Le Journal La Source, publication de l’institut et école du même nom, l’a rencontrée.
C’est dans les locaux du Checkpoint Vaud, situé au centre de Lausanne, à la rue St-Pierre 2, que m’accueille Bénédicte. Elle m’explique que le Checkpoint est un centre de santé communautaire à disposition des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et des personnes trans. Il a pour mandat une prise en charge médicale et psychosociale adaptée aux besoins et aux demandes de chaque usager·ère, en promouvant une qualité d’écoute et de soins selon une éthique partagée par tout·es ses professionnel·les de la santé. Le centre comprend deux volets importants portant sur la santé sexuelle et psychosociale ainsi que sur la santé psychique.
L’équipe interprofessionnelle est composée de 3 médecins, de 5 soignant·es et de 2 personnes à l’accueil. Dès le début de l’entretien, Bénédicte explique qu’elle a toujours été attirée par le milieu « santé communautaire ». À l’écouter, on se rend rapidement compte de son important ancrage dans le milieu LGBT ainsi que de l’impact du milieu LGBT sur elle, avec un leitmotiv sincère de sa part: « défendre les intérêts de toute la communauté LGBT, sans discrimination aucune ».
Quand on lui demande de parler du son travail aujourd’hui, elle le qualifie aisément de « bonheur » au quotidien. En effet, son activité professionnelle est diverse et variée. Cela va de l’information aux conseils, en passant par les dépistages et traitements du VIH ainsi que d’autres infections sexuellement transmissibles. Cela passe par les vaccinations (Hépatites A, B, HPV), par la mise en place de la PEP (prophylaxie post-exposition), donc prévenir en urgence l’infection par le VIH après une situation à risque. Son travail, ce sont aussi des conseils en réduction des risques/promotion de la santé, tout en offrant également un espace d’écoute et de soutien pour toute question liée à l’orientation sexuelle et/ou à l’identité de genre et/ou à la séropositivité au VIH. Le Checkpoint comprend aussi un pôle trans qui permet un appui administratif et social, un accompagnement et une orientation en lien avec une transition de genre, ainsi que des consultations par une psychiatre-psychothérapeute.
C’est un lieu qu’elle qualifie volontiers d’ovni dans le système de santé au vu des rencontres professionnelles qu’elle vit et en comparaison avec d’autres structures de santé. Du reste, ce ne sont pas des patients qui viennent à Checkpoint, mais des usager·ères où le temps est pris, investi, sans restriction, rendu possible grâce notamment aux subventions octroyées par le Canton. C’est aussi la qualité de l’écoute, du soutien qui est offerte par ce centre.
Quand on questionne Bénédicte sur la prise en charge LGBT dans les soins de manière générale, elle fait le constat que les soignant·es sont encore malheureusement démuni·es pour répondre aux questions de santé de cette communauté. Elle est encore surprise des réponses médicales erronées que l’on peut donner à des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et des personnes trans.
Ceci sous-tend à maintenir des préjugés, C’est-à-dire à entretenir une attitude négative à l’égard d’un groupe qui repose sur une généralisation erronée et rigide.
Bénédicte privilégie le droit de ne pas savoir en regard de la communauté LGBT. C’est ok pour elle. Elle encourage toutefois chaque professionel·le de la santé à chercher, conjointement avec la personne sollicitant des soins, une réponse à son problème de santé.
En écoutant Bénédicte parler de son travail, de son autonomie décisionnelle, de son rôle propre, de sa manière de travailler, il y a un parallèle intéressant à faire avec la définition de l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec au sujet des infirmières praticiennes spécialisées (IPS) « L’IPS est une infirmière qui dispense, selon une approche globale et synergique, des soins infirmiers et des soins médicaux répondant aux besoins complexes des patients et de leur famille dans un domaine de spécialité en tenant compte de leur expérience en matière de santé. Pour ce faire elle doit posséder l’expertise liée à un domaine clinique spécialisé qui repose à la fois sur une expérience solide dans le domaine et sur une formation de deuxième cycle en sciences infirmières et sciences médicales. »
Les infirmier·ères du Checkpoint ne sont pas des IPS, mais ils·elles pratiquent des prestations médicales déléguées comme le conseil en réduction de risque, le dépistage volontaire du VIH et des autres IST. Ils·elles travaillent en étroite collaboration avec les médecins du Checkpoint qui leur délèguent un certain nombre de tâches quotidiennes.
En reliant la définition d’un·e IPS et en parcourant mes notes sur le travail qu’accomplit aujourd’hui Bénédicte tout en tenant compte de son parcours de vie professionnelle, je me dis qu’elle est à nouveau précurseure dans un domaine aujourd’hui en pleine expansion.
Si une citation devait revenir à Bénédicte Lusseau au sujet de son activité quotidienne, ce serait la suivante: « Les personnes LGBT sont parmi les agents de changement et les leaders les plus courageux et les plus puissants que j’ai rencontrés, et les défenseurs les plus énergiques des personnes vulnérables et sans voix, parce qu’ils savent ce que c’est d’être là. » (Ronan Farrow)
Par Christophe Boraley, maître d’enseignement HES, Institut et Haute école de la santé La Source