Viol: le National en faveur du «Seul un oui est un oui»
Article publié le 8 décembre 2022
Le lundi 5 décembre 2022, le Conseil National s’est prononcé en faveur de la variante « Seul un oui est un oui » pour redéfinir la notion de viol dans le droit pénal suisse. La Fondation PROFA salue cette décision, validée par 99 voix contre 88.
Dans le cadre du projet de modernisation du droit pénal suisse, deux visions s’opposent: alors que l’approche « Non, c’est non » se base sur le refus de la victime, la solution « Seul un oui est un oui » se base sur le consentement de toutes les personnes impliquées.
Actuellement, seule la pénétration non consentie d’une femme par un homme est considérée comme un viol. La victime doit en outre avoir démontré une certaine résistance.
La révision du droit pénal est nécessaire et incontestée. Mais faut-il baser la notion de viol sur un consentement ou un refus? Alors que le Conseil des États avait préféré le «Non c’est non» en juin 2022, le Conseil national a tranché et finalement adopté la version du « oui, c’est oui » en décembre.
Pour la Fondation PROFA aussi, il n’y a que cette deuxième piste qui puisse protéger suffisamment l’autodétermination sexuelle et les victimes de violences. En ce sens, nous appelons le Conseil des États a se ranger lui aussi résolument derrière la solution du consentement pour signaler clairement que l’autodétermination sexuelle doit être pleinement protégée et que les agressions sexuelles ne seront plus tolérées.
Violences sexuelles en Suisse: chiffres-clés
des femmes ont vécu des actes sexuels non consentis en Suisse
des femmes ont dû subir un rapport sexuel contre leur volonté, 7 % y ont été contraintes par la force
des victimes ne parlent à personne de leur agression
de toutes les agressions sexuelles sont dénoncées en justice
Ces chiffres sont issus d’une enquête représentative menée en Suisse auprès de 4’495 femmes de 16 ans et plus, entre le 26 mars et le 15 avril 2019 par l’Institut gfs.bern pour Amnesty International Suisse.
Argumentaire
POURQUOI LA SOLUTION DU CONSENTEMENT EST MEILLEURE QUE CELLE DU « NON C’EST NON »?
Du point de vue des droits humains, la « solution du consentement » est clairement préférable à la « solution de l’opposition ». La Fondation PROFA se rallie pleinement aux arguments d’Amnesty International, dont voici le top 3.
1. Les victimes ne sont pas responsables!
Au fond, il s’agit de quelque chose qui devrait aller de soi: seuls les rapports sexuels consentis sont acceptables. La solution « Seul un oui est un oui » part du principe que les actes sexuels sont consentis lorsque les personnes impliquées expriment leur volonté, verbalement ou non verbalement. La solution « Non, c’est non » attend de la personne concernée qu’elle explique pourquoi elle n’a pas dit « non » ou pourquoi elle ne s’est pas défendue lors d’un acte sexuel non désiré. Elle doit ainsi justifier son comportement vis-à-vis d’elle-même, de son entourage et des autorités de poursuite pénale. C’est une variante culpabilisante car la victime de violences sexuelles se voit attribuer une certaine part de responsabilité en raison de son comportement. La reconnaissance du tort subi ne doit cependant pas dépendre du degré de résistance de la victime (comme c’est encore le cas aujourd’hui) ni de la façon dont elle s’est défendue.
2. Il faut protéger les victimes de violences
L’enquête menée en 2019 par l’institut gfs.bern montre l’ampleur choquante des violences sexuelles en Suisse: au moins une femme sur cinq de plus de 16 ans dit avoir déjà subi un acte sexuel non consenti. Adopter une législation qui protège les victimes est une nécessité!
3. La crainte des fausses accusations est infondée
Les fausses accusations sont très rares. Au contraire, les victimes de violences sexuelles renoncent bien souvent à porter plainte, par peur qu’on ne les croie pas, par honte ou parce qu’elles n’ont pas suffisamment confiance en la justice. Selon la même enquête de gfs.bern, seulement 8% des personnes concernées font une déposition à la police. Les fausses accusations sont interdites par le droit pénal et doivent être poursuivies, mais il s’agit avant tout d’un mythe fondé sur des stéréotypes de genre, tels que la « femme avide de vengeance ».